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Interview de Dominique Ehrhard, l'artiste de la création de jeux de société !

DominiqueSite.jpg1- Dominique Ehrhard, on ne vous présente plus et vous êtes souvent considéré comme l'un des meilleurs auteurs de jeux de société en France. Quelle est finalement votre véritable face cachée ? On vous connaît créateur, on vous découvre artiste peintre pour le jeu Boomerang...Quelles sont les disciplines artistiques qui vous séduisent le plus en fin de compte ?

Dominique Ehrhard : Ma formation initiale est artistique et depuis plus de 25 ans je peins et j'expose régulièrement en France et à l'étranger. J'ai la chance de pouvoir vivre adulte en prolongeant certaines de mes passions d'enfance, notamment le jeu et les livres illustrés et je partage actuellement à peu près équitablement mon temps entre ces trois domaines. Il est évident que s'il fallait faire un choix, la peinture resterait ma préoccupation essentielle. La vérité est que je trouve un équilibre et une harmonie entre ces trois pratiques et je ne souhaite pas que l'une empiète sur les autres. L'idée même d'en faire une profession me chagrine, je préfère de loin le statut d'amateur, au sens de celui qui pratique une activité pour le pur plaisir, même si les contingences de la vie m'obligent à monnayer ces créations.

2- Vous avez récemment co-créé un superbe jeu qui s'appelle "Boomerang" et dont la mécanique est diablement bien pensée et équilibrée. Vos illustrations soutiennent merveilleusement la thématique de la chasse au Boomerang. Pourriez-vous nous donner quelques détails sur votre collaboration sur ce jeu avec Michel Lalet (Auteur d'Abalone) ? Combien de temps avez-vous mis pour finaliser le prototype de Boomerang dans une version proche de celle éditée ?

Dominique Ehrhard : Il y a une quinzaine d'années, lors d'une de nos premières rencontres, Michel Lalet m'avait présenté un système d'enchère extrêmement original en m'expliquant qu'il lui manquait le système de jeu dans lequel il aurait pu être exploité de façon optimale et que si je voulais utiliser ce système dans un de mes jeux il en serait ravi. Parallèlement je cherchais depuis très longtemps à finaliser un jeu basé sur l'idée du potlatch amérindien. Aucun de mes prototypes ne me satisfaisant, j'avais plus ou moins abandonné cette idée mais me restait l'envie de créer un jeu illustré par des graphismes ethniques. Entre-temps paraissait le jeu No Merci, qui utilisait précisément le mécanisme d'enchère que Michel avait inventé bien des années plus tôt. Ce genre de coïncidence arrive régulièrement et la seule chose qui reste à faire c'est de passer à autre chose. Finalement il y a trois ans, comme cela arrive parfois lorsqu'on laisse des idées décanter très longtemps, j'ai essayé de conjuguer le mécanisme d'enchère de Michel Lalet et mon idée de terrains que les joueurs choisissent en secret pour attraper des animaux. À ma grande satisfaction la combinaison de ces deux mécanismes fonctionnait parfaitement dès les premiers tests. Il se trouve que Philippe Des Pallières a essayé le jeu pratiquement dès sa création définitive et décidait aussitôt de l'éditer sans même me laisser le temps de le présenter à un autre éditeur. Mais Philippe est un perfectionniste et ce n'est qu'au bout de trois ans, de centaines de tests, de plusieurs variations graphiques et thématiques que nous avons décidé que la forme à laquelle nous avions abouti pouvait être publiée. Curieusement une version plus ou moins piratée avait été publiée entre-temps par un éditeur hollandais à qui Philippe avait présenté la maquette. Le thème et surtout le graphisme choisi par cet éditeur et à laquelle nous étions totalement opposés nous ont encore plus convaincus de la nécessité de travailler le graphisme et le matériel jusqu'à arriver à un objet dont nous étions complètement satisfaits.

Ludopathique16.jpg3- Que pensez-vous de manière générale du système actuel pour les créateurs de jeux de société ? Quelles modifications ou simplifications proposeriez-vous si vous en aviez la possibilité ? Quelles sont finalement les étapes qui pourraient être revues sous un nouvel angle, notamment avec l'apport de l'internet ?


Dominique Ehrhard : Je ne sais pas trop quoi répondre, le processus me semble toujours le même depuis des années avec ou sans Internet, proche également de celui de l'édition de livres que je connais bien également: convaincre quelqu'un de risquer ses sous pour faire exister une de ses créations. Je crois que c'est surtout cette capacité à convaincre, à faire imaginer, à donner surtout l'envie à un éditeur de se lancer dans cette aventure qui est déterminant. Ce qui a changé depuis mes débuts c'est la multiplication des occasions de rencontrer les éditeurs, que ce soit lors des festivals ou des salons, et surtout leur nombre. Ces opportunités sont malheureusement contrebalancées, surtout pour de jeunes auteurs, par le nombre incroyablement élevé de propositions que reçoivent les éditeurs.

 

4- Que pensez-vous de l'univers des jeux de société en France en comparaison des autres pays, notamment l'Allemagne ? Quelles sont selon vous les différences flagrantes de mentalité ?

 

Dominique Ehrhard : En termes de marché, en tout cas celui du jeu spécialisé, il me semble que le marché allemand reste pour l'instant légèrement plus important que le marché français, même si on note des signes d'essoufflement à l'inverse d'un marché français qui me semble plus dynamique et novateur avec cet avantage qui va s'amplifier dans les années à venir de disposer d'un distributeur de taille européenne comme Asmodee. En ce qui concerne les mentalités je n'aimerais pas me complaire dans les stéréotypes que l'on entend souvent, mais il est évident que longtemps la caricature du joueur allemand était celle d'un gestionnaire de petits cubes en bois adorant les calculs alambiqués de fin de partie imaginés par un ancien docteur en informatique. La victoire de Dixit au Spiel Des Jahres montre d'ailleurs que les attentes des joueurs allemands sont en train d'évoluer et que la pratique ludique des publics est aussi diversifiée des deux cotés du Rhin.


5- La victoire de Dixit au Spiel des Jahres vous a-t-elle surpris ? Que pensez-vous de manière générale de l'organisation de ce prix ?

 

Dominique Ehrhard : Lorsque l'auteur et l'éditeur de Dixit m'ont présenté leur jeu, j'étais légèrement sceptique quant à l'intérêt d'un nouveau jeu de communication, mais dès la première partie j'ai été totalement enthousiasmé. Si sa distinction à Cannes m'a semblé évidente, j'ai été surpris qu'il soit nominé pour le Spiel, de même d'ailleurs qu'Identik, tellement ces jeux ne correspondent pas aux goûts des membres du jury du Spiel tels qu'on les connaissait jusqu'ici. L'autre surprise tient évidemment au choix d'un auteur et d'un éditeur non seulement français, mais de dimension relativement modeste, éléments tout à fait nouveaux également. Par contre, dès lors que Dixit a été nominé, et par rapport à ses concurrents, j'ai trouvé logique qu'il remporte le prix au vu de ses qualités ludiques et poétiques.

 

Jeuxyannick remercie Dominique Ehrahrd pour sa participation à ce blog.

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